Comme un malaise

Avant de parler de ce que nous avons fait et vu à San Francisco, je ne peux passer sous silence le malaise que j’ai ressenti en voyant tant de personnes rétrogradées au niveau le plus misérable de la condition humaine. Jamais je n’ai vu autant d’hommes et de femmes, jeunes ou moins jeunes, dans une telle décrépitude. Beaucoup d’entre eux semblaient avoir perdu l’esprit. J’imagine que certains mélanges de drogue ont laissé chez certains d’entre eux des séquelles irréversibles. Des images terribles me reviennent : des hommes se déplaçant voutés comme des singes avec la même démarche animale, fouillant les poubelles avec la détresse de l’animal affamé ; des jeunes femmes en guenilles, le visage couvert de boutons devenus pustules ; des hommes urinant dans la rue sans même rechercher un coin à l’abri des regards ; d’autres titubant et courant en même temps, semblant poussés par une urgence incompréhensible ; des personnes sans abris en fauteuil roulant coincés au milieu de la rue sans personne pour les aider à traverser ; d’autres se débattant avec des béquilles dépareillées ; d’autres encore marchant pieds nus essayant de vendre aux passants leur dernière richesse, leur paire de chaussures ; beaucoup criant leur colère à des personnes invisibles.

Pardon pour ce tableau qui semble sorti de l’imagination de Jérôme Bosch. Mais je n’exagère rien. J’ai été choqué. Nous avons été choqués. Parfois, nous tournions en dérision les scènes pour les filles. Mais franchement au fond de moi, je n’avais pas envie de rire, mais bel et bien de pleurer. Nous voyons de nombreux sans abris en région parisienne, des gens qui mendient. Mais ceux-ci ont un comportement rationnel. A San Francisco ce qui m’a frappé, c’est le nombre de personnes qui ont un comportement irrationnel qui donnent presque le sentiment qu’ils ont perdu leur humanité.

Cela est d’autant plus surprenant dans une ville qui se veut accueillante et qui est, par ailleurs, très riche.

4 commentaires

  1. Amapola LIMBALLE

    2 octobre 2018 at 08:38

    C’est sûr, ça a dû être dur pour les filles…Mais au moins elles auront vu ce que peut être la déchéance humaine et le manque de compassion.. Je crois qu’on estime assez mal le fléau qu’est la drogue au niveau mondial, pas uniquement à San Francisco.. Mais c’est un domaine auquel on ne touche pas… Car les revenus du trafic sont trop énormes et les victimes sont la plupart au bas de l’échelle sociale, du menu fretin juste bon à sortir le peu d’argent qui lui reste de la vente de ses chaussures… Je crois que ma réaction à la vue de ces pauvres gens aurait été la colère, surtout la colère. Je suis en colère en écrivant ces lignes… Car si on se bat contre les violations des droits humains, on se bat peu contre ce fléau qui est en train de détruire l’humanité dans le silence des chambres obscures ou dans les ruelles de San Francisco…

  2. jacques.lauret@numericable.fr

    2 octobre 2018 at 08:56

    Le malaise que vous avez ressenti devant cette misère humaine, nous l’avons ressenti également en Inde (à Bénarès plus précisément).
    En tant que touristes, nous nous sentions très mal, équipés de nos caméras, de nos appareils photos, devant des mendiants, des lépreux qui se trainaient par terre, en quête d’une aumône.
    C’est un pays où l’extrême richesse côtoie la décrépitude la plus profonde.
    Nous n’avions pas rencontré ce genre de déchéance à San Francisco, au début des années 90, mais je crois que ça ne s’est pas arrangé, surtout avec l’actuelle administration américaine.
    Je crains qu’au cours de votre voyage, vous vous trouviez de nouveau face à ce genre de situation, en particulier lorsque vous serez au Pérou.
    Des nouvelles de Paris (mais vous êtes surement au courant) : le décès de Charles Aznavour.

    Merci Philippe, ton carnet de bord est toujours aussi passionnant.

    On pense aussi beaucoup à vous.

    Bisous à vous quatre.

    Jacques

  3. Bizarrement, on a un peu ressenti cela à New York où nos avons passé 2 semaines… La pauvreté ambiante – associé à une saleté généralisée – met mal à l’aise, on n’imaginait pas ça de Big Apple…

  4. Bonjour à tous,

    Je rattrape mon retard de lecture, mais je ne saute aucune page 🙂

    J’associe cette description à la précédente où il était question de la ville qui avait le revenu moyen le plus élevé – donc les plus grandes fortunes. Un excès de richesse ne produit-il pas aussi son contraire : l’excès de misère ? Je serai curieux des trajectoires de vie de ces personnes : est ce aussi pour certaines une déchéance qui résulte de l’impossibilité de se maintenir dans les exigences d’un système de plus en plus contraignant, exigeant, élitiste, de moins en moins solidaire et humain (à grande échelle) ?

    Je crois aussi que la drogue touche tous les milieux : dans les tours de la Défense, ils se maintiennent à la cocaine.

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