Catégorie : Histoire

Géorgie, repères historiques

Préhistoire et Antiquité

La région de l’actuelle Géorgie fut habitée très tôt dans l’histoire de l’Humanité (des restes d’un homme baptisé Homo georgicus datant de 1,8 millions d’années ont en effet été retrouvées à Dmanissi, dans le sud du pays). Durant l’Antiquité, l’actuelle Géorgie se trouvait au carrefour de nombreuses civilisations qui exercèrent successivement leur contrôle sur la région : les scythes, les perses, les grecs (à l’époque d’Alexandre le Grand). Au IIIème siècle avant JC, le territoire de l’actuelle Géorgie fut divisée en deux pays : la Colchide à l’ouest qui était sous domination grecque (patrie où Jason et les argonautes s’emparèrent de la toison d’or dans la mythologie grecque), l’Ibérie à l’est qui était indépendante. Sur la carte ci-dessous vous remarquerez les noms Iberia et Albania qui évoquent d’autres régions d’Europe, sans liens directs.

Colchide, Iberia

La Colchide tomba sous l’emprise du royaume du Pont (royaume antique centrée sur l’actuelle Turquie) puis de l’empire romain. L’Ibérie resta indépendante et lutta avec le royaume voisin d’Arménie pour le contrôle du Caucase, avant de passer à son tour sous domination romaine. A partir du IIème siècle, comme l’Arménie, l’Ibérie devint l’objet d’une lutte entre empire romain et empire perse qui envahirent alternativement le pays. Au milieu du IVème siècle, le Christianisme se développa en Ibérie.

Moyen-Age

Le roi Vakhtang Ier qui régna en Ibérie à la fin du Vème siècle, fut vainqueur des perses en 502. Il fonda le Catholicossat d’Ibérie qui devint par la suite l’Eglise orthodoxe de Géorgie. Selon la légende, il serait également le fondateur de la ville de Tbilissi (Tiflis). A la mort du roi Vakhtang Ier, l’Ibérie fut divisée en 2. La partie orientale passa sous le contrôle des perses tandis que la partie occidentale passa sous le contrôle des byzantins. Durant les siècles qui suivirent, l’Ibérie subit alternativement la domination des perses, des byzantins et des arabes.

Ce ne fut qu’au début du XIème siècle que tous les royaumes chrétiens entre l’Abkhazie (sur la mer Noire) et la Kakhétie (sur la Caspienne) furent unifiés pour la première fois, par le roi Bagrat III de Géorgie. Au début de son règne, il combattit l’empire byzantin et fit alliance avec le Califat des Fatimides (empire chiite centré en Afrique du Nord et s’étirant jusqu’au Moyen-Orient). Au milieu du siècle, le conflit avec l’empire byzantin prit fin. Mais débuta alors une longue période de guerre avec les turcs Seldjoukides, vainqueurs des Fatimides au Moyen-Orient, qui s’inscrivait dans le contexte plus large des croisades en Terre Sainte. L’empire géorgien atteignit son apogée sous le règne de la reine Tamar, à la fin du XIIème siècle (voir carte ci-dessous, notez que cet empire s’étendait alors sur une bonne partie de l’actuelle Arménie).

Empire géorgien (Tamar)

Comme l’Arménie, la Géorgie subit au début du XIIIème siècle les invasions mongoles. Le pays vécut ensuite jusqu’à la fin du XVIIIème siècle sous la domination de ses voisins mongols, ouzbeks, turkmènes, perses, ottomans. A la fin du XVème siècle, il fut même divisé en 3 Etats vassaux : l’Iméréthie (ouest), la Karthli (centre), la Kakhétie (est).

La domination russe

Le roi Héraclius II réunifia la Géorgie orientale en 1762. En 1783, il signa un accord de protection et de coopération avec l’empire de Russie de Catherine II qui devint suzeraine. Cet accord n’empêcha pas l’empire perse de détruire complètement Tbilissi en 1795. En 1800, la Russie d’Alexandre Ier annexa la Géorgie qui devint une simple province. L’Empire russe conquit l’Iméréthie en 1828. Si l’annexion fut mal vécue par les géorgiens, elle permit un nouvel essor de la société et de la culture géorgienne.

URSS

Suite à la révolution russe, profitant de la confusion qui régnait en Russie, la Géorgie déclara son indépendance en 1918 et mit en place un régime démocratique. Mais en 1921, l’Armée Rouge envahit le pays et instaura la République socialiste soviétique de Géorgie. La Géorgie perdit près d’un tiers de son territoire au profit des républiques socialistes voisines (Arménie, Azerbaïdjan, Russie). En particulier, l’oblast (division administrative) autonome d’Ossétie du Sud fut créé en 1922 au sein de la République socialiste soviétique de Géorgie.

En 1931, Staline, lui-même d’origine géorgienne, fit de l’Abkhazie une république socialiste soviétique autonome subordonnée à la République socialiste soviétique de Géorgie et imposa le géorgien aux abkhazes. Dans les décennies qui suivirent, les abkhazes protestèrent à plusieurs reprises contre cette « géorgisation » de l’Abkhazie.

L’indépendance

Dans le prolongement de la disparition de l’URSS, la Géorgie déclara son indépendance le 9 avril 1991.

Elle révoqua l’autonomie de l’Ossétie du Sud tandis que les nationalistes ossètes demandaient le rattachement de l’Ossétie du Sud à l’Ossétie du Nord. Il s’ensuivit un conflit armé entre milices ossètes et l’armée géorgienne qui dura jusqu’en juin 1992. L’intervention de l’armée russe conduisit à la signature d’un cessez-le-feu. L’Ossétie du Sud proclama son indépendance en 1992 sur la base d’un référendum non reconnu par la communauté internationale. Un second référendum en 2006 subit le même rejet international. Seule la Russie reconnut la validité de ce référendum, suivie de quelques rares pays. En 2008, la Géorgie déclencha une offensive armée pour reprendre le contrôle de l’Ossétie du Sud. Elle fut repousser par l’armée russe.

A l’instar de l’Ossétie du Sud, l’Abkhazie déclara son indépendance de la Géorgie le 23 juillet 1992. Elle ne fut pas davantage reconnue par la communauté internationale.

Le , le Parlement géorgien déclara l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud « territoires sous occupation russe ». Le , la Géorgie rompit toute relation diplomatique avec la Fédération de Russie.

Situation actuelle

Le pays s’est depuis rapproché des Etats-Unis et de l’Azerbaïdjan, faisant face à l’alliance entre russes, arméniens et iraniens dans le contrôle de la région.

 

Arménie, repères historiques

La région du Caucase autour du Mont Ararat (aujourd’hui en Turquie) fut peuplée dès la préhistoire. Des traces d’une civilisation ayant vécu à l’âge de bronze (4000 avant JC) ont été retrouvées en 2010 et 2011, parmi lesquelles les plus vieilles chaussures en cuir au Monde, des vêtements et les éléments d’une culture vinicole.

Durant l’Antiquité, la région passa sous le contrôle de différentes puissances, parmi lesquelles le royaume d’Urartu (rival du Royaume assyrien, plus au sud), qui s’étendait, autour de 700 avant JC, depuis la méditerranée jusqu’aux frontières orientales de l’actuelle Arménie.

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Selon des écritures cunéiformes retrouvées sur une pierre d’Erevan, Argishti 1er, roi de l’Urartu de 786 à 764 avant JC, fonda la ville d’Erebouni (actuelle Erevan) en 782 avant JC. Ce document fait d’Erevan la plus ancienne ville pouvant documentée la date de son édification.

Autour de 600 avant JC, une tribu serait venue des Balkans et se serait mêlée au peuple d’Urartu, donnant naissance à l’ethnie arménienne.

Lorsqu’Alexandre Le Grand conquit la Perse, au IVème siècle avant JC, l’Arménie passa sous influence grecque. Celle-ci perdura jusqu’au IIème siècle avant JC.

En 189 avant JC, Artaxias proclama l’indépendance de l’Arménie. Il fonda Artaxate, la capitale de son royaume en 187 avant JC (voir carte ci-dessous, au sud d’Erevan ; la ville s’appelle aujourd’hui Artachat). Sous le règne de Tigrane le Grand (95-55 avant JC), le royaume d’Arménie s’étendait de la Méditerranée aux rives de la mer Caspienne. Ce même roi fit de Tigranocerte la capitale du royaume (voir carte ci-dessous ; la ville s’appelle aujourd’hui Silvan et est en Turquie).

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L’empire romain conquit la partie occidentale du royaume puis annexa l’Arménie en 65 avant JC. Durant les 3 premiers siècles de notre ère l’Arménie passa alternativement sous le contrôle des romains, des parthes (royaume au nord de l’actuel Iran) et des perses (ces derniers anéantissant au passage le royaume des parthes). En 298, les romains qui avaient repris le contrôle de la région et établit un protectorat sur l’Arménie portèrent au pouvoir le roi Tiridate IV qui se convertit au Christianisme, faisant de l’Arménie le premier royaume chrétien. C’est à cette époque que fut créé l’alphabet arménien (inspiré de l’alphabet grec), qui permit de préserver une identité arménienne malgré les invasions successives que connut le pays au cours des siècles suivants.

Au début du Vème siècle, l’Arménie était partagée entre la Perse (dynastie des Sassanides) et le royaume byzantin. Les arabes envahirent le pays et installèrent leur domination jusqu’en 885, année où l’Arménie retrouva son indépendance. Ani la capitale du royaume (aujourd’hui proche de la frontière arménienne, côté turc) devint le centre culturel, religieux et économique du Caucase. Cette période d’indépendance dura moins de 2 siècles car l’empire byzantin reprit le contrôle de l’Arménie en 1045. Puis ce furent les turcs seldjoukides qui s’emparèrent d’Ani en 1064, ruinant le pays. Si la reine Tamar reprit Ani aux turcs à la toute fin du XIIème siècle, le pays subit les invasions mongoles dès le XIIIème siècle, puis des ouzbeks, provoquant un exil massif des arméniens vers des régions plus occidentales telles que la Moldavie, la Transylvanie, la Hongrie, l’Ukraine, la Pologne, Chypre,  et la Cilicie (dans le sud de l’actuelle Turquie) où fut fondée le royaume arménien de Cilicie qui incarna la souveraineté nationale jusqu’en 1375. Durant cette période l’Arménie fut l’alliée des croisés de Terre Sainte.

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Le royaume arménien de Cilicie, dernier royaume chrétien de la région, fut vaincu par les mamelouks égyptiens en 1375. Dès lors, l’Arménie perdit toute incarnation étatique jusqu’au début du XXème siècle. A partir de 1441, l’église d’Arménie qui établit son saint-siège à Etchmiadzin joua un rôle important dans la transmission d’une identité arménienne à travers les siècles.

Jusqu’au début du XIXème siècle, la région qui correspondait au royaume de Tigrane le Grand, fut le théâtre de conflits entre l’empire ottoman et l’empire perse. Durant cette période, des communautés arméniennes se maintinrent dans tout l’empire ottoman et dans l’empire perse y compris dans les régions de l’actuelle Azerbaïdjan et jusqu’à Téhéran ou Ispahan, dans l’actuelle Iran. La majeure partie de ce territoire était sous le contrôle turc au début du XIXème siècle. En 1827, l’empire russe qui se posait en libérateur des peuples chrétiens du Caucase, récupéra les territoires du nord de l’empire perse et permit à la communauté arménienne de se regrouper et de se développer autour d’Erevan, de Tbilissi (capitale de l’actuelle Géorgie) et de Bakou (capitale de l’actuelle Azerbaïdjan), tandis que les musulmans se déplacèrent pour leur part vers l’empire ottoman ou l’empire perse.

La décadence de l’empire ottoman à la fin du XIXème siècle, la menace grandissante des nations européennes, firent naître une défiance grandissante des turcs vis-à-vis des arméniens, perçus comme une menace interne. Les arméniens furent victimes de premiers massacres entre 1894 et 1896, provoquant de 80.000 à 300.000 morts.

Allié de l’Allemagne durant la première guerre mondiale, l’empire ottoman entreprit la déportation et le massacre des arméniens dans une logique d’éradication totale, perpétrant ainsi un génocide entre 1915 et 1916. Les massacres se poursuivirent encore pendant plusieurs années provoquant au total entre 1,2 et 1,5 millions de morts, souvent massacrés dans des conditions atroces.

Suite à la révolution russe de 1917, l’Arménie parvint à créer une république indépendante à l’existence éphémère (1918-20). Lors de la Conférence de la Paix de 1919, elle se prit à rêver de la refondation d’une Grande Arménie, incluant la partie occidentale contrôlée par les turcs. Ses espoirs furent déçus. Menacée par la Turquie, l’Arménie se résolut à accepter la protection des communistes russes. Le 29 novembre 1920 naquit la République Soviétique d’Arménie ne couvrant qu’une petite partie des territoires revendiqués par les arméniens. En 1922, elle fut incluse dans la République Socialiste Fédérative Soviétique de Transcaucasie dont Tbilissi devint la capitale. En 1936, elle devint une république socialiste soviétique à part entière. Le Haut-Karabagh peuplé très majoritairement par des arméniens fut rattaché à la République Soviétique d’Azerbaïdjan.

Alors que la perestroïka permit aux républiques de retrouver plus d’autonomie à la fin des années 80, les arméniens du Haut-Karabagh déclarèrent leur autonomie vis-à-vis de la République d’Azerbaïdjan en 1988, provoquant des violences sur ce territoire. Lorsque l’Azerbaïdjan puis l’Arménie déclarèrent leur indépendance à la fin de l’été 1991, un conflit éclata aussitôt entre les deux pays pour le contrôle du Haut-Karabagh. Un référendum en faveur de l’autonomie fur organisé en 1991 et vit la victoire écrasante des autonomistes. Les autorités azéris refusèrent de céder et le conflit se poursuivit jusqu’en 1994, date à laquelle fut signé un cessez-le-feu. Les parties s’accordèrent pour confier la résolution du conflit au groupe de Minsk, présidé par la France et placé sous l’autorité conjointe des Etats-Unis et de la Russie. Mais aucune solution politique n’émergea.

Le 20 février 2017 fut organisé un nouveau référendum dans le Haut-Karabagh proposant une modification de la constitution de la région autonome. La modification approuvée par 76% de la population établit la naissance de la République d’Artsakh, dirigée par un président avec Stepanakert comme capitale. Cette nouvelle république, enclavée en Azerbaïdjan, n’est pas aujourd’hui reconnue par la communauté internationale et fait l’objet d’un blocus par l’état azéri qui empêche tout vol commercial d’atterrir sur son territoire. Pour plus d’informations sur le Haut-Karabagh ou la République d’Artsakh, je vous renvoie à cet excellent article de GEO.

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Comme dans un effet miroir, le Nakhitchevan majoritairement peuplé d’azéris, proclama, le 20 janvier 1990, son indépendance vis-à-vis de l’Arménie à laquelle il fut rattaché durant la période soviétique. Cette république autonome est sous le contrôle des azéris bien qu’elle soit exclavée, sans voie de communication terrestre avec l’Azerbaïdjan.

Conclusion

Si vous avez eu le courage d’aller jusqu’au bout de cet article, vous comprendrez pourquoi la situation de l’Arménie m’a inspiré le précédent article sur la notion de Nation. Voici un pays issu de la décomposition de l’Union Soviétique qui, mise à part l’éphémère indépendance de 1920-22, n’avait pas eu d’existence politique depuis le XIVème siècle, et encore, existait-il alors sur un territoire dont l’intersection avec ses frontières actuelles est vide. Sur les deux derniers millénaires, l’Arménie a existé en tant qu’Etat durant à peine 500 ans, en périodes morcelées et sur des périmètres géographiques différents. Finalement, c’est la religion chrétienne et la survivance d’une langue écrite arménienne qui a assuré au travers des siècles une continuité au fil ténu, entre ces différentes époques jusqu’à l’Arménie actuelle.

Carte identifiant les capitales historiques de l’Arménie (en bleu), les zones d’exil ou de développement de fortes communautés arméniennes à travers les siècles (croix oranges), et enfin les deux zones de conflit avec l’Azerbaïdjan (étoiles sur fond rouge). L’émigration du XXème siècle notamment l’exil suite au génocide n’est pas ici identifié.

 

Statues d’Erevan

Voici quelques photos des innombrables statues qui peuplent et embellissent la capitale arménienne. Nous sommes en pleine construction du récit national… Evidemment les statues de Lénine, Staline et Marx ont disparu.

De gauche à droite et de haut en bas :

  • photo 1 : Zoravar Andranik (1865-1927), militaire – inaugurée en 2002
  • photo 2 : Vardan II Mamikonyan (?-451), chef militaire – inaugurée en 1985

  • photos 3 et 4 : Yeghishe Charents (1897-1937), poète, victime des purges staliniennes – inaugurée en 1985
  • photo 5 : Vahan Teryan (1885-1920), poète et politicien – inaugurée en 2000
  • photo 6 : chien de race gampr (ou berger arménien), endémique de la région – inaugurée en 2018 (offert par la communauté arménienne des Pays-Bas)
  • photo 7 : l’Arménie ressuscitée – inaugurée en 1985
  • photo 8 : Komitas (1869-1935), prêtre et musicien né en Turquie, mort en exil en France – inaugurée en 1988
  • photo 9 : Aram Khachatryan (1903-1978), compositeur – inaugurée en 1999
  • photo 10 : Hovhannès Toumanian (1869-1923), écrivain – inaugurée en 1957
  • photo 11 : Alexandre Spendarian (1871-1928), compositeur – inaugurée en 1957
  • photo 12 : Arno Babadzhanyan (1921-1983), pianiste – inaugurée en 2003
  • photo 13 : Smoking woman de Fernando Botero – inaugurée en 2012
  • photo 14 : Big Blue Kiwi de Peter Woytuk
  • photo 15 : Guerrier romain de Fernando Botero – inaugurée en 2002
  • photo 16 : Chat de Fernando Botero – inaugurée en 2002
  • photo 17 : Aram Manoukian (1879-1919), politicien, révolutionnaire et général – inaugurée en 2018
  • photo 18 : Lion
  • photo 19 : Alexander Myasnikyan (1886-1925), révolutionnaire bolchevik – inaugurée en 1980