Catégorie : Histoire

Hermannsburg

Etant donné que la route du West Mac Donnell National Park était barrée à cause de l’incendie, nous avons décidé de visiter la petite ville d’Hermannsburg et son ancienne mission luthérienne. La ville compte moins de 600 habitants, essentiellement aborigènes. Une bonne partie de la ville n’est pas accessible, sans un permis de passage. Nous avons aperçu très peu de gens dans les rues, sans doute à cause de la chaleur toujours aussi accablante.

Un monsieur fort aimable nous a accueilli à l’entrée de l’ancienne mission. Je pense qu’il s’agissait d’un pasteur ou qu’il avait une attache très particulière avec le lieu. Il était seul avec son chat. Il nous a demandé d’où nous venions et nous a dit qu’il rêvait de venir visiter la France et l’Angleterre qu’il ne connaissait pas. En revanche, il avait visité l’Allemagne, ce qui m’a donné à penser qu’il avait peut-être un lien de parenté avec les pasteurs qui ont oeuvré dans la mission, par le passé.

La mission fut créée en 1877 par deux pasteurs venus d’Allemagne, Schwarz et Kempe. Arrivée en Australie, ils entreprirent un voyage dantesque de 2.000 km, depuis la côte, avec au départ 2.000 moutons, 25 vaches et 40 chevaux. Leur voyage fut ralenti par l’extrême sécheresse du pays à laquelle ils n’étaient pas préparés. Il dura, en tout, près de 20 mois. Une fois arrivés sur le lieu de la future mission, ils le baptisèrent Hermannsburg en hommage à la ville allemande où ils avaient été formés. Dans les premiers mois de leur arrivée, ils n’eurent pratiquement aucun contact avec la communauté aborigène de la région, les Arandas. Progressivement, ils apprirent la langue aborigène, établirent un dictionnaire, puis une grammaire. Mais après 16 ans passés sur place, ils furent contraints de partir à cause des conditions de vie trop dures. La mission fut relancée un an plus tard avec l’arrivée d’un nouveau pasteur, Carl Strehlow, auteur du premier Nouveau Testament en langue aborigène. Il sut établir un contact plus régulier avec les aborigènes dont certains décidèrent de se sédentariser pour vivre auprès de la mission. Des pasteurs d’origine germanique se succédèrent ensuite à la mission jusqu’en 1983.

Quand on pénètre dans la mission, on a l’impression d’entrer dans une ville fantôme. Ce sentiment fut sans doute renforcé par le fait que nous fûmes seuls durant l’heure et demie de notre visite. On y découvre d’anciens véhicules rouillés et dévorés par le temps, des objets poussiéreux qui n’ont pas bougé depuis plusieurs décennies et certaines maisons aménagées en musée. Namatjira est un artiste aborigène, spécialiste d’aquarelles de paysages et de végétaux. Il vécut près de la mission et inspira de nombreux artistes aborigènes. Un portrait de Namatjira est accroché sur le mur d’une des maisons.


L’église


Bâtiments de la mission


Cabane d’isolement


Tableau noir de l’école


Véhicules


Intérieurs


Objets


Portrait de Namatjira

Les aborigènes

Les aborigènes constituent la population autochtone de l’Australie. Les scientifiques considèrent que ce peuple a vécu isolé du reste du monde depuis 50.000 ans jusqu’à l’arrivée des européens au XVIIIème siècle. A l’arrivée de James Cook, en 1770, les aborigènes étaient un peuple de cueilleurs-chasseurs, constitué en 250 tribus occupant l’ensemble de l’Australie. Leur culture, reposant sur la tradition orale, était la plus ancienne sur Terre. Le XIXème siècle est marqué par la colonisation progressive des terres par les européens et les conflits armés qui en résultent. Les aborigènes sont peu à peu contraints d’abandonnés leurs terres. Ils sont déportés, transformés en cultivateurs, évangélisés…

A la naissance de l’Australie en tant qu’Etat fédéral du Commonwealth, en 1901, le droit de vote n’est pas accordé aux aborigènes au niveau fédéral. Seuls ceux qui sont inscrits sur les listes électorales d’une province sont autorisés à voter. Or l’essentiel d’entre eux ne satisfont pas à cette exigence. A partir de 1910, l’Australie mène vis-à-vis du peuple aborigène une politique d’assimilation forcée, en procédant, notamment, à l’enlèvement d’enfants indigènes de leurs familles. Les enfants ainsi enlevés sont souvent des métis de mère aborigène et de père blanc. Ces pratiques ne cesseront qu’en 1970.

Les droits des aborigènes progressent lentement tout au long du XXème siècle et ce n’est qu’en 1962, que le Commonwealth Electoral Act déclare que tous les indigènes ont le droit de s’inscrire et de voter aux élections fédérales. En dépit de cette évolution des lois, les aborigènes continuent d’être traités comme des citoyens de second rang. En 1992, le discours du premier ministre Paul Keating, appelle les australiens à reconnaître les torts causés au peuple aborigène, marquant une étape symbolique importante dans la réconciliation des communautés. Quelques aborigènes célèbres, artistes ou sportifs, contribuent à faire connaître les souffrances de leur peuple et deviennent des exemples de réussite. C’est le cas, par exemple, de Mark Ella, demi de mêlée, capitaine du XV d’Australie en 1982, ou encore de Cathy Freeman, championne du monde et championne olympique de 400 m, dernière porteuse de la flamme olympique aux jeux de Sydney, en 2000. Comment ne pas se dire, malgré tout, que ces athlètes sont des contre-exemples qui cachent la réalité que vit le peuple aborigène.

Alors que la population aborigène comptait entre 350.000 et 700.000 individus, à l’arrivée des européens, elle avait chuté en-dessous de 100.000 en 1920. Aujourd’hui, la population d’origine aborigène est estimée à 670.000 individus. Des territoires, représentant environ 10% de la surface de l’Australie, leur sont réservés. L’arrivée des européens a induit un bouleversement dans leur culture multi-millénaire reposant sur une vie en harmonie avec le territoire qu’ils occupaient. Leur territoire s’est réduit, leur population a été décimée par les conflits, les maladies, les famines, la transmission orale a souvent été mise à mal par les déportations, l’évangélisation, la sédentarisation forcée, les enlèvements, leurs valeurs ont été bousculées par le contact avec la civilisation européenne. Aujourd’hui, les aborigènes sont invisibles dans les villes. Il doit bien y en avoir. Mais nous n’en avons vu aucun à Sydney ou à Melbourne. Tout se passe comme s’il existait deux pays à l’intérieur de l’Australie : le pays des européens et le pays des aborigènes. En dépit des communications sur l’importance de la culture aborigène, qui a probablement eu une réelle influence sur ce qu’est devenu l’Australie, les points de contact semblent rares. On voit des tableaux et des oeuvres aborigènes dans les musées. En revanche, les personnes sont invisibles. Il y a du racisme. Mais je suis aussi convaincu que bon nombre d’australiens d’origine européenne ne sont pas racistes et ont hérité d’une histoire qui les a éloignés du peuple indigène. Espérons que les jeunes générations sauront oeuvrer pour renouer des liens distendus entre les communautés.

Il reste que les citoyens australiens d’origine aborigène sont écartelés entre deux voies qui semblent incompatibles : vivre à la manière de leurs ancêtres à l’écart de la société australienne sur des territoires réservés, au risque d’être dans l’incapacité de défendre leurs droits, ou, accepter de se former et d’étudier pour peser davantage dans les organes de gouvernance des provinces ou de l’état fédéral, au prix d’un renoncement aux modes de vie ancestraux. Comment trouver un chemin intermédiaire entre ces deux voies?


Oeuvres aborigènes exposées au Musée des Beaux Arts de Sydney

 

Polynésie Française

Quand on centre Google Maps sur le Pacifique, on aperçoit quelques points dans le Pacifique Nord (Hawaï) et quelques îles à l’ouest de la ligne de changement de jour (Samoa, Fidji, Vanuatu, Nouvelle-Calédonie), mais rien dans le Pacifique sud à l’est de la ligne de changement de jour. Il faut commencer à zoomer une première fois pour découvrir Papeete (capitale de la Polynésie) et Hanga Roa (Ile de Pâques), puis une seconde fois pour découvrir Vaitape (Bora Bora), puis une troisième fois pour voir apparaître l’archipel des Tuamotu, et progressivement une multitude d’atolls et de petites îles apparaissent. Il n’est pas évident de les localiser, car plus on zoome, plus on perd les repères géographiques qui permettent de les situer les uns par rapport aux autres. Google Maps est très mal adapté pour visualiser l’étendue de la Polynésie Française. La carte ci-dessous extraite de Wikipedia donne une vision globale des îles qui appartiennent à la Polynésie Française.

 

Et cette autre carte, établie par Air Tahiti, permet de mesurer l’immensité de la surface couverte par la Polynésie en faisant une comparaison avec l’Europe.

 

Ce territoire rassemble 5 archipels (l’archipel de la Société, l’archipel des Tuamotu, l’archipel des Gambier, l’archipel des Australes, les Marquises), 118 îles principales dont 76 sont habitées et englobe environ 5 millions de km2 d’eaux marines, ce qui représente près de la moitié des eaux marines françaises (11 millions de km2). J’en profite pour indiquer que la France est la deuxième nation marine dans le Monde, derrière les Etats-Unis, et qu’elle est la seule à être présente sur les 4 océans (source : ministère de la transition écologique et solidaire, ici).

Sur les cartes du Monde, il est difficile de localiser la Polynésie. Quand Magellan a traversé le Pacifique sud, il est passé seulement à côté de deux atolls déserts qu’il a considérés sans intérêt (« las islas infortunadas »). L’un d’entre eux pourrait être l’atoll de Puka Puka, au nord-est de l’archipel des Tuamotu. Pourtant, quand on se pose en avion sur l’une de ces îles, on découvre un monde avec une identité culturelle forte, un monde qui vit en osmose avec l’océan.

La Polynésie est une Collectivité d’Outre-Mer. Elle bénéficie d’une large autonomie.

 

Histoire

Le peuplement de la Polynésie se serait fait au IIème et IIIème siècle de notre ère par des populations venues d’Asie du sud-est, les Austronésiens. Les Marquises auraient été les premières îles colonisées.

Les européens ont exploré la Polynésie aux XVIIème et XVIIIème siècles. Tahiti n’a été découverte qu’en 1767 par le britannique Samuel Wallis. Louis-Antoine de Bougainville, le premier français à organiser un tour du Monde entre 1766 et 1769, accoste à Tahiti en 1768. A la fin du XVIIIème siècle et au début du XIXème, les britanniques exercent leur domination sur les îles de la Société, avec le soutien de la famille Pomaré régnant à Tahiti. Les archipels des Marquises et des Gambier sont eux sous domination française. En 1843, Tahiti passe sous protectorat français. En 1880, Pomaré V cède son royaume à la France. Progressivement, entre 1887 et 1901, les îles restées indépendantes sont intégrées à la colonie française baptisée EFO (Etablissements Français d’Océanie).

En 1942, l’armée américaine installe sur Bora Bora une base militaire et construit une piste d’atterissage qui fut longtemps la plus longue de Polynésie.

En 1946, les EFO deviennent un Territoire d’Outre-Mer. Les habitants obtiennent pour la première fois le droit de vote. En 1957, la loi Deferre accroît l’autonomie accordée au territoire qui prend le nom de Polynésie Française. L’avènement de la Vème République marque au contraire un recul de l’autonomie avec l’installation du Centre d’expérimentations du Pacifique qui se traduira par l’arrivée de plusieurs milliers de militaires et techniciens et conduira aux essais nucléaires (46 essais atmosphériques entre 1966 et 1974, puis 150 essais souterrains jusqu’en 1996).

 

La question de l’indépendance

En 1958, une majorité de polynésiens votent en faveur de la constitution de la Vème République et l’intégration de la Polynésie Française à la Communauté française, créée simultanément par le Général de Gaulle.

Des mouvements autonomistes apparaissent dès 1963. En 1977, Oscar Temaru crée le Front de Libération de la Polynésie qui prendra le nom de Tavini huiraatira no te ao Ma’ohi (Serviteur du peuple polynésien) en 1983. Il accède plusieurs fois à la présidence de la Polynésie à partir de 2004, pour des périodes plus ou moins longues. En 2011, il dépose à l’Assemblée Générale de l’ONU un projet de résolution visant à réinscrire la Polynésie Française sur la liste des territoires non autonomes (c’est-à-dire restant à décoloniser) de laquelle elle avait été supprimée en 1947. Oscar Temaru est battu lors des élections de mai 2013. Le 16 mai, la nouvelle assemblée territoriale de Polynésie Française vote une motion pour affirmer le souhait des Polynésiens de conserver leur autonomie au sein de la République Française. Malgré ce vote, l’ONU adopte le 17 mai la résolution inscrivant la Polynésie Française sur la liste des territoires non autonomes, où elle figure encore aujourd’hui.