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Taïwan

Nous sommes venus à Taïwan un peu par hasard. Après avoir éliminé la Russie et la Chine de notre tour du Monde, pour nous éviter des complications avec l’obtention des visas, nous nous sommes interrogés sur le pays que nous pourrions caler dans notre programme. Je vous passe les étapes de notre réflexion. Mais nous avons fini par retenir Taïwan pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il n’y a pas de problème de visa. Puis, le pays se situe à mi-distance entre le Vietnam et le Japon, ce qui permettait de l’insérer facilement dans notre programme, sans allonger la distance parcourue. La culture étant proche de celle de la Chine continentale (même langue, mêmes influences religieuses, cuisine similaire…), il permettait, à défaut d’aller en Chine continentale, d’entrer en contact avec la culture chinoise. La période de 3 semaines disponibles semblait bien correspondre à la taille du pays. Enfin, des personnes m’avaient parlé de la beauté de l’île.

En arrivant, je connaissais peu de choses de l’histoire de Taïwan. Je savais que le chinois était la langue utilisée. Je savais que le pays avait appartenu à la Chine et qu’après la seconde guerre mondiale, il était devenu indépendant. Je savais les tensions diplomatiques qui existaient entre les 2 pays. J’avais en mémoire l’affaire de la vente des frégates par la France. J’avais noté, la provocation de Trump, favorable à une reconnaissance des « deux Chine », ainsi que la réplique du président chinois, rappelant les revendications territoriales de la Chine sur Taïwan. Mais, en arrivant, j’ai été surpris de découvrir l’influence japonaise sur l’urbanisme de Taipei, sur la cuisine (je crois qu’il y a plus de restaurants japonais que de restaurants chinois), sur les panneaux publicitaires ou dans les magasins dans l’utilisation de l’iconographie manga… En outre, nous avons découvert, au cours de notre visite de Taipei que la principale salle de concert, le Taipei Zhongshan Hall, avait été construit en l’honneur du couronnement d’Hirohito, l’empereur du Japon (1936). Enfin, nous avons vu de nombreux hommes d’affaires japonais dans les restaurants de la ville. J’ai ainsi pris conscience que je savais peu de choses sur l’histoire du pays. Il m’est apparu nécessaire de me documenter un peu. Voici donc en quelques phrases un résumé de l’histoire de Taïwan…


Taipei Zhongshan Hall


Jusqu’au XVIème siècle, les populations austronésiennes de l’île de Taïwan développèrent une société autonome sans contact important avec l’extérieur. Le premier contact avec les populations européennes eut lieu en 1542, lorsque les portugais découvrirent l’île. La légende dit d’ailleurs que l’ancien nom de Formose aurait été donné par les portugais, séduits par la beauté de l’île, l’expression « isla formosa » signifiant « belle île » en portugais ancien. En 1646, le gouverneur espagnol des Philippines envoya une expédition sur l’île qui débarqua à l’emplacement de l’actuelle Keelung (nord-est de l’île) et y fonda la ville de San Salvador. Des missions chrétiennes y furent actives jusqu’en 1632. Mais ce sont les hollandais, colonisateurs de l’île, qui induisirent un changement majeur dans la vie de l’île en favorisant une migration chinoise, qui se poursuivit après que les hollandais furent chassés de l’île par Zheng Chenggong, en 1662. Quelques années auparavant, la dynastie Ming fut elle-même chassée du pouvoir en Chine continentale par les mandchous. Il est intéressant de noter que Zheng Chenggong, fidèle aux Ming considérait alors Taïwan comme une base arrière pour reconquérir la Chine continentale. A ce moment, la population de l’île s’élevait à 200.000 personnes qui se répartissaient comme suit : 100.000 chinois, 50.000 hollandais, 50.000 aborigènes. En 1683, Taïwan tomba à son tour aux mains de la dynastie régnante en Chine continentale. L’île demeura sous le contrôle de la Chine continentale jusqu’en 1895.

Entre 1894 et 1895, la Chine et le Japon furent en guerre, à l’origine pour le contrôle de la Corée. La défaite de la Chine donna lieu à la signature du traité de Shimonoseki par lequel elle céda Taïwan au Japon. L’île vécut ainsi sous domination japonaise jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale.

Les troupes du Parti Nationaliste chinois (Kuomintang), dirigé par Chiang Kai-Shek, arrivèrent à Taïwan en 1945, dès le retrait des japonais, et installèrent un gouvernement qui rencontra l’opposition des taïwanais. Le 28 février 1947, des émeutes éclatèrent et furent réprimées dans le sang, entraînant près de 30.000 morts. Ce fut le début de la terreur blanche. En Chine continentale, les communistes de Mao Zedong défirent l’armée de Chiang Kai-Shek. Ce dernier se réfugia à Taïwan avec environ 2 millions de personnes dans son sillage, fuyant le régime communiste. A partir de ce moment, l’île vécut sous la dictature soutenue par les Etats-Unis. A la mort de Chiang Kai-Shek, son fils Chiang Chin-Kuo, lui succéda et le régime s’assouplit progressivement, jusqu’à l’apparition du multi-partisme (1986), l’organisation d’une première élection présidentielle au suffrage universel direct (1996) et l’avènement d’une première alternance (2000).


Monument de la paix, en commémoration des événements du 28 février 1947


Taïwan, qui se nomme officiellement la République de Chine, n’a jamais proclamé son indépendance car ses dirigeants considèrent qu’ils sont les seuls représentants légitimes de la Chine et revendiquent le rattachement de la Chine continentale. Evidemment, les dirigeants chinois, considèrent a contrario que Taïwan n’est qu’une province de la Chine. Cette histoire explique le face à face tendu qui existe entre les deux pays depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Jusqu’en 1971, le siège de la Chine à l’ONU était occupé par Taïwan. Le refus de Chiang Kai-Shek de reconnaître qu’il était légitime que la Chine continentale disposât d’un siège à l’ONU, conduisit en 1971 au vote de la résolution 2758 qui fit perdre son siège à Taïwan au profit de la République Populaire de Chine.

A partir des années 70, Taïwan connut une croissance économique très rapide, à l’instar de la Corée du Sud, de Hong-Kong et de Singapour (les 4 pays étant alors connus comme les 4 dragons asiatiques). Le pays est ainsi devenu l’un des pays les plus riches d’Asie. Le pays se classait en 2017, selon le FMI, au 21ème rang mondial par son PIB (en parité de pouvoir d’achat), devant des pays comme le Royaume-Uni (28e), la France (29e), le Japon (30e) ou la Corée du Sud (32e).

Malgré les blessures de l’Histoire, Taïwan est parvenu à développer une société prospère, riche d’une culture originale, ouverte sur le Monde, mélange de différentes influences, et a su préserver une indépendance de fait vis-à-vis de la République Populaire de Chine, en dépit du déséquilibre du rapport de forces qui existe (23,5 millions d’habitants contre 1,4 milliard d’habitants). Cela a été possible grâce au soutien des Etats-Unis. Mais combien de temps cela durera-t’il encore? Tout se monnaye et les Etats-Unis sont loin de Taïwan… Il y a fort à craindre que dans un avenir plus ou moins proche, les Etats-Unis finissent par « lâcher » Taïwan, livrant ainsi l’île à son voisin aux visées impérialistes, subissant le sort que connurent, ces dernières décennies, Macao puis Hong-Kong.

 

Polynésie Française

Quand on centre Google Maps sur le Pacifique, on aperçoit quelques points dans le Pacifique Nord (Hawaï) et quelques îles à l’ouest de la ligne de changement de jour (Samoa, Fidji, Vanuatu, Nouvelle-Calédonie), mais rien dans le Pacifique sud à l’est de la ligne de changement de jour. Il faut commencer à zoomer une première fois pour découvrir Papeete (capitale de la Polynésie) et Hanga Roa (Ile de Pâques), puis une seconde fois pour découvrir Vaitape (Bora Bora), puis une troisième fois pour voir apparaître l’archipel des Tuamotu, et progressivement une multitude d’atolls et de petites îles apparaissent. Il n’est pas évident de les localiser, car plus on zoome, plus on perd les repères géographiques qui permettent de les situer les uns par rapport aux autres. Google Maps est très mal adapté pour visualiser l’étendue de la Polynésie Française. La carte ci-dessous extraite de Wikipedia donne une vision globale des îles qui appartiennent à la Polynésie Française.

 

Et cette autre carte, établie par Air Tahiti, permet de mesurer l’immensité de la surface couverte par la Polynésie en faisant une comparaison avec l’Europe.

 

Ce territoire rassemble 5 archipels (l’archipel de la Société, l’archipel des Tuamotu, l’archipel des Gambier, l’archipel des Australes, les Marquises), 118 îles principales dont 76 sont habitées et englobe environ 5 millions de km2 d’eaux marines, ce qui représente près de la moitié des eaux marines françaises (11 millions de km2). J’en profite pour indiquer que la France est la deuxième nation marine dans le Monde, derrière les Etats-Unis, et qu’elle est la seule à être présente sur les 4 océans (source : ministère de la transition écologique et solidaire, ici).

Sur les cartes du Monde, il est difficile de localiser la Polynésie. Quand Magellan a traversé le Pacifique sud, il est passé seulement à côté de deux atolls déserts qu’il a considérés sans intérêt (« las islas infortunadas »). L’un d’entre eux pourrait être l’atoll de Puka Puka, au nord-est de l’archipel des Tuamotu. Pourtant, quand on se pose en avion sur l’une de ces îles, on découvre un monde avec une identité culturelle forte, un monde qui vit en osmose avec l’océan.

La Polynésie est une Collectivité d’Outre-Mer. Elle bénéficie d’une large autonomie.

 

Histoire

Le peuplement de la Polynésie se serait fait au IIème et IIIème siècle de notre ère par des populations venues d’Asie du sud-est, les Austronésiens. Les Marquises auraient été les premières îles colonisées.

Les européens ont exploré la Polynésie aux XVIIème et XVIIIème siècles. Tahiti n’a été découverte qu’en 1767 par le britannique Samuel Wallis. Louis-Antoine de Bougainville, le premier français à organiser un tour du Monde entre 1766 et 1769, accoste à Tahiti en 1768. A la fin du XVIIIème siècle et au début du XIXème, les britanniques exercent leur domination sur les îles de la Société, avec le soutien de la famille Pomaré régnant à Tahiti. Les archipels des Marquises et des Gambier sont eux sous domination française. En 1843, Tahiti passe sous protectorat français. En 1880, Pomaré V cède son royaume à la France. Progressivement, entre 1887 et 1901, les îles restées indépendantes sont intégrées à la colonie française baptisée EFO (Etablissements Français d’Océanie).

En 1942, l’armée américaine installe sur Bora Bora une base militaire et construit une piste d’atterissage qui fut longtemps la plus longue de Polynésie.

En 1946, les EFO deviennent un Territoire d’Outre-Mer. Les habitants obtiennent pour la première fois le droit de vote. En 1957, la loi Deferre accroît l’autonomie accordée au territoire qui prend le nom de Polynésie Française. L’avènement de la Vème République marque au contraire un recul de l’autonomie avec l’installation du Centre d’expérimentations du Pacifique qui se traduira par l’arrivée de plusieurs milliers de militaires et techniciens et conduira aux essais nucléaires (46 essais atmosphériques entre 1966 et 1974, puis 150 essais souterrains jusqu’en 1996).

 

La question de l’indépendance

En 1958, une majorité de polynésiens votent en faveur de la constitution de la Vème République et l’intégration de la Polynésie Française à la Communauté française, créée simultanément par le Général de Gaulle.

Des mouvements autonomistes apparaissent dès 1963. En 1977, Oscar Temaru crée le Front de Libération de la Polynésie qui prendra le nom de Tavini huiraatira no te ao Ma’ohi (Serviteur du peuple polynésien) en 1983. Il accède plusieurs fois à la présidence de la Polynésie à partir de 2004, pour des périodes plus ou moins longues. En 2011, il dépose à l’Assemblée Générale de l’ONU un projet de résolution visant à réinscrire la Polynésie Française sur la liste des territoires non autonomes (c’est-à-dire restant à décoloniser) de laquelle elle avait été supprimée en 1947. Oscar Temaru est battu lors des élections de mai 2013. Le 16 mai, la nouvelle assemblée territoriale de Polynésie Française vote une motion pour affirmer le souhait des Polynésiens de conserver leur autonomie au sein de la République Française. Malgré ce vote, l’ONU adopte le 17 mai la résolution inscrivant la Polynésie Française sur la liste des territoires non autonomes, où elle figure encore aujourd’hui.