Avant de parler de ce que nous avons fait et vu à San Francisco, je ne peux passer sous silence le malaise que j’ai ressenti en voyant tant de personnes rétrogradées au niveau le plus misérable de la condition humaine. Jamais je n’ai vu autant d’hommes et de femmes, jeunes ou moins jeunes, dans une telle décrépitude. Beaucoup d’entre eux semblaient avoir perdu l’esprit. J’imagine que certains mélanges de drogue ont laissé chez certains d’entre eux des séquelles irréversibles. Des images terribles me reviennent : des hommes se déplaçant voutés comme des singes avec la même démarche animale, fouillant les poubelles avec la détresse de l’animal affamé ; des jeunes femmes en guenilles, le visage couvert de boutons devenus pustules ; des hommes urinant dans la rue sans même rechercher un coin à l’abri des regards ; d’autres titubant et courant en même temps, semblant poussés par une urgence incompréhensible ; des personnes sans abris en fauteuil roulant coincés au milieu de la rue sans personne pour les aider à traverser ; d’autres se débattant avec des béquilles dépareillées ; d’autres encore marchant pieds nus essayant de vendre aux passants leur dernière richesse, leur paire de chaussures ; beaucoup criant leur colère à des personnes invisibles.

Pardon pour ce tableau qui semble sorti de l’imagination de Jérôme Bosch. Mais je n’exagère rien. J’ai été choqué. Nous avons été choqués. Parfois, nous tournions en dérision les scènes pour les filles. Mais franchement au fond de moi, je n’avais pas envie de rire, mais bel et bien de pleurer. Nous voyons de nombreux sans abris en région parisienne, des gens qui mendient. Mais ceux-ci ont un comportement rationnel. A San Francisco ce qui m’a frappé, c’est le nombre de personnes qui ont un comportement irrationnel qui donnent presque le sentiment qu’ils ont perdu leur humanité.

Cela est d’autant plus surprenant dans une ville qui se veut accueillante et qui est, par ailleurs, très riche.