« Nous avons nos cérémonies pour nous acquitter de nos responsabilités, pour honorer nos ancêtres et notre famille en faisant tout comme il faut. Les moindres détails sont considérés dans la planification d’une cérémonie. Il faut respecter le bon protocole pour chaque tâche. Toutes les personnes qui y contribuent ont reçu une formation rigoureuse au cours de leur vie pour leur rôle important. Nous arrivons aux cérémonies recouverts des vêtements qui ont été confectionnés pour nous. »
Chepximiya Siyam, chef Janice George, Salish de la côte, 2010
Catégorie : Rencontres
Rencontre avec les Hurons-Wendat
Dimanche 12 août, nous avons visité le village traditionnel des Hurons-Wendat de la réserve de Wendake à moins de 20 km du centre ville de Québec.
Une réserve indienne est un territoire réservé aux « Premières Nations », régi par la « Loi sur les Indiens » et placé directement sous la juridiction fédérale. La réserve de Wendake élit le Conseil de la Nation Huronne-Wendat, formé du Grand Chef et de 8 Chefs de famille. Son territoire s’étend sur seulement 164 hectares.
Le visiteur qui arrive à Wendake découvre un territoire entièrement couvert de maisons qui lui donnent un caractère de banlieue nord-américaine typique, que rien ne permet de différencier du quartier voisin. Je n’ai pas non plus identifié de signe qui matérialise l’entrée dans ce territoire spécial.
Une seconde surprise attend le visiteur quand il est accueilli au village traditionnel par des indiens à la peau claire et aux yeux bleus (voir ici les visages du Grand Chef et des 8 Chefs de famille). Contrairement à ce que l’on pourrait craindre, il ne s’agit pas de personnels extérieurs recrutés pour l’occasion, mais bel et bien de ressortissants de la communauté de Wendake. L’explication est à chercher dans la génétique. Cette petite nation qui compte aujourd’hui environ 3000 personnes au Québec, dont une bonne part vit à Wendake, est le produit de nombreux métissages avec la population d’origine européenne.
Histoire
Lorsque les premiers contacts s’établissent entre les Français et les Hurons-Wendats, au début du XVIIème siècle, ceux-ci occupent un territoire, baptisé Wendake, de 880 km2, au sud de l’actuel Ontario, entre les actuels lacs Huron, Ontario et Erié. Leur nombre se situe entre 20000 et 25000. Ils sont en guerre avec leurs ennemis, les Iroquois.
Les Hurons-Wendat, comme toutes les populations amérindiennes sont victimes de plusieurs épidémies provoquées par les maladies apportées par les européens et contre lesquels ils ne sont pas immunisés : variole, petite vérole, rougeole, grippe… Les diminutions de population poussent les Iroquois à intensifier leur guerre contre les Hurons-Wendat pour assimiler des individus destinés à remplacer les membres disparus et compenser les baisses démographiques. Les Iroquois, armés par les Hollandais puis les Anglais disposent d’armes en plus grand nombre que les Hurons-Wendat, alliés des Français qui exercent de leur côté un contrôle plus strict de la circulation des armes. Au milieu du XVIIème siècle, la guerre est perdue pour les Hurons-Wendat. Ceux-ci se divisent en deux ensembles. Le premier ensemble, constitué majoritairement de familles traditionalistes, rejoint des tribus voisines. Ce groupe ainsi constitué sera baptisé ultérieurement les Wyandots. Après plusieurs déplacements choisis ou subis aux Etats-Unis, les descendants seront déportés dans une réserve de l’Oklahoma à la fin du XIXème siècle. De nos jours, il reste un peu plus de 300 Wyandots, vivant dans l’Oklahoma et parlant anglais. Le second ensemble des Hurons-Wendat, constitué d’environ 1000 individus majoritairement catholiques, se réfugie en 1650 vers la Baie Géorgienne (au nord-est du Lac Huron). Le froid et la faim continuent de réduire leur population. Au printemps 1650, les 300 Wendats survivants décident d’émigrer sur l’Ile d’Orléans, près de Québec. Ils sont bientôt rejoints par 300 autres réfugiés. Après plusieurs décennies de déplacements dans la région de Québec, les Wendats finissent par se sédentariser en 1697 sur le territoire aujourd’hui baptisé Wendake, en souvenir de leur origine.
Revendications territoriales
A la fin du XVIIème siècle, les Wendats installés autour du Saint-Laurent fréquentent une région allant de la Gaspésie jusqu’au Grands Lacs. « Le Nionwentsïo, signifiant le « magnifique territoire » en huron-wendat, correspond plus précisément au territoire historique principalement fréquenté par la Nation huronne-wendat au cours des siècles suivant le contact avec les peuples européens. Ce territoire est protégé par le Traité Huron-Britannique de 1760. » En vertu de ce traité, les Wendats revendiquent un droit de regard sur les projets publics « afin de tenter de minimiser l’impact du développement sur eux ».
Au-delà de ce droit de regard sur les projets de la région, les Wendats sont confrontés à l’étroitesse du territoire de la réserve qui constitue un frein à leur expansion démographique et à leur développement.
Le village traditionnel
Si le village traditionnel revêt de prime abord, les atours d’une attraction touristique destinée à générer des ressources pour la communauté, il s’avère bien plus que cela. D’ailleurs, mon envie d’approfondir la connaissance de leur Histoire et cet article en attestent. C’est une occasion pour cette communauté de raconter la terrible Histoire des Premières Nations, décimées par les maladies et les guerres et de sensibiliser subtilement le Monde sur ses revendications actuelles. Ce qui est remarquable, c’est la qualité et la douceur des personnes qui assurent l’accueil des visiteurs. Elles savent que leurs sourires et leur humour sont les principales armes qui leur restent pour continuer de faire vivre leur Histoire, leurs traditions et leur communauté.
Conclusion
Cette rencontre m’interroge sur le sens du mot « Nation », sur les liens qui font qu’une communauté humaine décide de faire vivre au travers des époques sa culture, ses traditions. Pourquoi ce jeune Raphaël, notre guide en photo ci-dessus, se revendique-t’il Wendat, alors qu’il indique avoir moins de 20% de patrimoine génétique Wendat? Est-ce sincère ou n’est-ce qu’un jeu de rôle devant les touristes? Se sent-il plus Wendat ou plus Canadien ou plus Québécois? Comment s’entremêlent ces différents héritages en lui? Est-ce que le retour des plus jeunes aux traditions ou croyances Wendat, telles que l’animisme, constaté par ce jeune Raphaël, correspond à un rejet de notre société actuelle ou à un besoin de retrouver une certaine harmonie avec la Nature?
Sources
L’Anse-Saint-Jean
Comme je l’écrivais, il y a quelques jours, nous avons été très bien accueillis à l’Anse-Saint-Jean par Richard et Marianne, nos hôtes. Cela a été un vrai plaisir de faire leur connaissance. Richard nous a donné de nombreux conseils pour découvrir la région. Il nous a également initiés à un jeu de frisbee avec cibles qui se joue à deux équipes de deux. C’est un jeu d’adresse qui consiste à faire passer le frisbee dans un cerceau d’environ 50 cm de diamètre, situé à 10 pieds, à défaut toucher le cerceau ou le montant qui le supporte, à défaut s’en approcher le plus possible. En quelque sorte, c’est une forme moderne du lancer de fer à cheval.
L’Anse-Saint-Jean est une petite ville qui compte environ 1200 habitants. Une rivière à saumons longe la ville, saumons que nous avons d’ailleurs aperçus stagnant dans l’ombre, que nous aurions pris pour des pierres sans l’oeil averti de Richard. Comme beaucoup de villes d’Amérique du Nord, la ville s’étire sur une très longue distance le long de la route. La route c’est le fil de la vie qui relie les hommes et les services. Les maisons sont espacées. Elles sont toutes différentes mais forment pourtant un ensemble harmonieux qui respire le calme. La nature est partout ; les montagnes alentours, les forêts et l’herbe verdoyante, en toile de fond. L’air est pur, l’eau qui coule au robinet est fraîche et légère. Les filets des moustiquaires aux portes et aux fenêtres forment une protection légère qui délimitent la frontière entre la nature et l’intimité du foyer. Nous avons vécu 3 jours avec fenêtres et portes ouvertes pour faire circuler un air rafraîchissant dans la maison. La température extérieure était cependant très supportable car n’excédant que rarement les 30°C.
La route qui traverse toute la région et relie les villes entre elles s’appelle la route du fjord. Le fjord de la rivière Saguenay est l’une des merveilles naturelles de la région. Sa largeur dépasse les 2 km. Il est bordé de falaises de plus de 300 m de haut qui tombent à pic dans l’eau. Les arbres envahissent le paysage et s’accrochent même sur les parois les plus verticales.
Nous avons pu jouir de ces panoramas magnifiques en faisant une randonnée difficile dans le Parc National du Fjord du Saguenay puis en assistant au coucher de soleil depuis l’Anse de Tabatière. Nous aurions aimé faire une escapade en kayak de mer, dans le fjord, mais le temps a manqué. Nous avons privilégié une croisière sur le Saint-Laurent pour observer les baleines – qui fera l’objet d’un prochain article.
Mardi 7 août, nous avons quitté l’Anse-Saint-Jean avec le sentiment d’avoir fait une étape trop courte. Nous avons rangé nos valises avec application – je vous en parlerai également à l’occasion – et nous avons pris la route pour la ville de Québec.
Je garderai un souvenir ému de ce coin de Québec.
Richard, Marianne, merci pour tout et au plaisir…