Étiquette : Amérindien
Ottawa
La capitale fédérale canadienne a été bâtie en bordure de la rivière Outaouais (du nom d’une nation amérindienne). Ottawa est en Ontario. L’autre rive de la rivière est au Québec et est occupée par la ville de Gatineau. Lorsque nous sommes arrivés, nous avons essuyé un orage violent. Il était l’heure de déjeuner. Nous nous sommes réfugiés dans une pizzeria en face du marché couvert du centre ville. La pizza était quelconque. Tout le monde parlait anglais et ne semblait rien comprendre au français. Nous avons traversé le pont pour visiter le Musée de l’Histoire (ancien Musée des Civilisations) et se faisant nous sommes passés au Québec, ce que j’ignorais. Dans le Musée, nous avons été accueillis par des hôtesses à l’accent québécois. La rivière est une frontière entre les deux provinces, une frontière entre les deux communautés.
Le Musée de l’Histoire
Comme pour tous les grands musées que nous avons visités au Canada, nous avons choisi de limiter notre visite à certaines parties qui nous attiraient plus. Il est important d’être sélectif et de ne pas passer plus de 2 à 3 heures dans un musée, ce qui est déjà beaucoup. Au-delà d’une telle durée, il n’est plus possible d’apprécier. Comme pour tout dans la vie, il faut faire des choix et donc renoncer à certaines choses. Nous avons visité la partie consacrée aux amérindiens, sans même la voir dans sa totalité, nous avons assisté à la projection d’un film sur écran géant consacré au Canada, et nous avons fini tranquillement dans la section enfant qui vise une découverte du Monde par le jeu. Le Musée est très plaisant ; architecture lumineuse, aux espaces généreux ; sculptures amérindiennes impressionnantes ; film sur le Canada émouvant ; section enfant rempli de jeux interactifs et peuplée de rires d’enfants et de visages joyeux.
Nous avons visité 3 musées au Canada. Tous présentent ce même dialogue raffiné entre une architecture adaptée et un contenu de valeur.
Le film que nous avons visionné était dédié à l’expédition marine Canada C3, organisée par des canadiens de professions et d’origines variées, à l’occasion du 150ème anniversaire du Canada (pour rappel la Confédération est née en 1867 à Charlottetown, sur l’Ile du Prince Edouard). L’expédition partit de Toronto en mai 2017 et rejoignit Victoria dans l’ouest du pays 150 jours plus tard, en ayant emprunté le passage du nord-ouest. Le Canada est un pays jeune, composée de 3 communautés : les anglophones, les francophones, les amérindiens. L’expédition, qui s’est donnée pour mission de rapprocher les hommes et les femmes du pays, a pris, pour une part, la forme d’un mea culpa des canadiens d’origine européenne vis-à-vis des amérindiens. Le second thème qui a innervé le projet est l’inquiétant réchauffement climatique dont l’expédition a pu apporter de nouveaux témoignages. La conclusion du film se tourne résolument vers l’avenir et invite les canadiens à construire un pays dans le respect des diversités et d’une nature qu’il convient de protéger.
Visite du centre ville
Le lendemain, nous nous sommes promenés dans le centre ville d’Ottawa, découvrant les bâtiments officiels néo-gothiques de la colline du Parlement, les écluses du Canal Rideau et les rues peuplées de touristes semblant venir des quatre coins du Monde.
Rencontre avec les Hurons-Wendat
Dimanche 12 août, nous avons visité le village traditionnel des Hurons-Wendat de la réserve de Wendake à moins de 20 km du centre ville de Québec.
Une réserve indienne est un territoire réservé aux « Premières Nations », régi par la « Loi sur les Indiens » et placé directement sous la juridiction fédérale. La réserve de Wendake élit le Conseil de la Nation Huronne-Wendat, formé du Grand Chef et de 8 Chefs de famille. Son territoire s’étend sur seulement 164 hectares.
Le visiteur qui arrive à Wendake découvre un territoire entièrement couvert de maisons qui lui donnent un caractère de banlieue nord-américaine typique, que rien ne permet de différencier du quartier voisin. Je n’ai pas non plus identifié de signe qui matérialise l’entrée dans ce territoire spécial.
Une seconde surprise attend le visiteur quand il est accueilli au village traditionnel par des indiens à la peau claire et aux yeux bleus (voir ici les visages du Grand Chef et des 8 Chefs de famille). Contrairement à ce que l’on pourrait craindre, il ne s’agit pas de personnels extérieurs recrutés pour l’occasion, mais bel et bien de ressortissants de la communauté de Wendake. L’explication est à chercher dans la génétique. Cette petite nation qui compte aujourd’hui environ 3000 personnes au Québec, dont une bonne part vit à Wendake, est le produit de nombreux métissages avec la population d’origine européenne.
Histoire
Lorsque les premiers contacts s’établissent entre les Français et les Hurons-Wendats, au début du XVIIème siècle, ceux-ci occupent un territoire, baptisé Wendake, de 880 km2, au sud de l’actuel Ontario, entre les actuels lacs Huron, Ontario et Erié. Leur nombre se situe entre 20000 et 25000. Ils sont en guerre avec leurs ennemis, les Iroquois.
Les Hurons-Wendat, comme toutes les populations amérindiennes sont victimes de plusieurs épidémies provoquées par les maladies apportées par les européens et contre lesquels ils ne sont pas immunisés : variole, petite vérole, rougeole, grippe… Les diminutions de population poussent les Iroquois à intensifier leur guerre contre les Hurons-Wendat pour assimiler des individus destinés à remplacer les membres disparus et compenser les baisses démographiques. Les Iroquois, armés par les Hollandais puis les Anglais disposent d’armes en plus grand nombre que les Hurons-Wendat, alliés des Français qui exercent de leur côté un contrôle plus strict de la circulation des armes. Au milieu du XVIIème siècle, la guerre est perdue pour les Hurons-Wendat. Ceux-ci se divisent en deux ensembles. Le premier ensemble, constitué majoritairement de familles traditionalistes, rejoint des tribus voisines. Ce groupe ainsi constitué sera baptisé ultérieurement les Wyandots. Après plusieurs déplacements choisis ou subis aux Etats-Unis, les descendants seront déportés dans une réserve de l’Oklahoma à la fin du XIXème siècle. De nos jours, il reste un peu plus de 300 Wyandots, vivant dans l’Oklahoma et parlant anglais. Le second ensemble des Hurons-Wendat, constitué d’environ 1000 individus majoritairement catholiques, se réfugie en 1650 vers la Baie Géorgienne (au nord-est du Lac Huron). Le froid et la faim continuent de réduire leur population. Au printemps 1650, les 300 Wendats survivants décident d’émigrer sur l’Ile d’Orléans, près de Québec. Ils sont bientôt rejoints par 300 autres réfugiés. Après plusieurs décennies de déplacements dans la région de Québec, les Wendats finissent par se sédentariser en 1697 sur le territoire aujourd’hui baptisé Wendake, en souvenir de leur origine.
Revendications territoriales
A la fin du XVIIème siècle, les Wendats installés autour du Saint-Laurent fréquentent une région allant de la Gaspésie jusqu’au Grands Lacs. « Le Nionwentsïo, signifiant le « magnifique territoire » en huron-wendat, correspond plus précisément au territoire historique principalement fréquenté par la Nation huronne-wendat au cours des siècles suivant le contact avec les peuples européens. Ce territoire est protégé par le Traité Huron-Britannique de 1760. » En vertu de ce traité, les Wendats revendiquent un droit de regard sur les projets publics « afin de tenter de minimiser l’impact du développement sur eux ».
Au-delà de ce droit de regard sur les projets de la région, les Wendats sont confrontés à l’étroitesse du territoire de la réserve qui constitue un frein à leur expansion démographique et à leur développement.
Le village traditionnel
Si le village traditionnel revêt de prime abord, les atours d’une attraction touristique destinée à générer des ressources pour la communauté, il s’avère bien plus que cela. D’ailleurs, mon envie d’approfondir la connaissance de leur Histoire et cet article en attestent. C’est une occasion pour cette communauté de raconter la terrible Histoire des Premières Nations, décimées par les maladies et les guerres et de sensibiliser subtilement le Monde sur ses revendications actuelles. Ce qui est remarquable, c’est la qualité et la douceur des personnes qui assurent l’accueil des visiteurs. Elles savent que leurs sourires et leur humour sont les principales armes qui leur restent pour continuer de faire vivre leur Histoire, leurs traditions et leur communauté.
Conclusion
Cette rencontre m’interroge sur le sens du mot « Nation », sur les liens qui font qu’une communauté humaine décide de faire vivre au travers des époques sa culture, ses traditions. Pourquoi ce jeune Raphaël, notre guide en photo ci-dessus, se revendique-t’il Wendat, alors qu’il indique avoir moins de 20% de patrimoine génétique Wendat? Est-ce sincère ou n’est-ce qu’un jeu de rôle devant les touristes? Se sent-il plus Wendat ou plus Canadien ou plus Québécois? Comment s’entremêlent ces différents héritages en lui? Est-ce que le retour des plus jeunes aux traditions ou croyances Wendat, telles que l’animisme, constaté par ce jeune Raphaël, correspond à un rejet de notre société actuelle ou à un besoin de retrouver une certaine harmonie avec la Nature?
Sources