Mois : mai 2019

Xiangshan (象山) et Taipei 101

Le caractère (Xiang) signifie éléphant.

Le caractère (Shan) signifie montagne. Il est souvent utilisé pour les noms de ville.

象山 (Xiangshan) est donc la montagne de l’éléphant. Il s’agit d’une colline arborée à proximité de Taipei. C’est une promenade qu’affectionne les habitants de Taipei car elle permet d’avoir une vue panoramique sur la ville. Elle se situe à quelques stations de métro du centre. J’en profite pour indiquer que Taipei dispose d’un métro remarquable avec un maillage relativement serré en centre-ville.

Sur le guide et sur Google Maps, j’avais identifié le tracé de cette randonnée. J’avais indiqué à Elise et aux filles, qu’il s’agissait d’une petite promenade. En fait, j’avais sous-estimé la difficulté de l’ascension qui comptait environ 1.500 marches. Avec une température supérieure à 30°, l’exercice fut très éprouvant. Plusieurs écoles faisaient le même chemin que nous. Nos efforts furent récompensés. Arrivés en haut de la colline, nous découvrîmes d’un côté une vue splendide sur la ville et de l’autre, les montagnes arborées à perte de vue. En suite, nous suivîmes un chemin de crête au milieu de la forêt. Notre chemin était égayé par de nombreux papillons multicolores aux tailles impressionnantes. Il était saisissant d’être aussi proche de la ville et d’avoir ce sentiment d’être en pleine nature. C’est l’une des particularités de Taipei ; la ville est une grande métropole moderne. Mais la nature enserre la ville et est facilement accessible depuis le centre.


La tour Taipei 101 qui domine le paysage urbain est haute de 509 m. Elle a été la tour la plus haute du Monde entre 2004 et 2010.

 

Temples taoïstes de Taipei

Le taoïsme est avec le bouddhisme et le confucianisme, la principale religion pratiquée à Taïwan. La capitale compte de nombreux temples taoïstes qui se caractérisent par une profusion de décors, figures peintes, statues, figurines, fresques… Le rouge et l’or dominent. Dans tous les temples, on constate chaque fois la même ferveur émanant de personnes de tous âges et de toutes catégories sociales.

A Taïwan, j’ai pu observer un rituel curieux qui met directement en relation le fidèle et la divinité qu’il est venu prier. Il consiste à lancer deux petits objets en bois en forme de quartier d’orange. Selon la position des objets sur le sol, la réponse de la divinité est positive ou négative.


Bangka Qingshan Temple


Lungshan Temple


Bao’an Temple

 

Taïwan

Nous sommes venus à Taïwan un peu par hasard. Après avoir éliminé la Russie et la Chine de notre tour du Monde, pour nous éviter des complications avec l’obtention des visas, nous nous sommes interrogés sur le pays que nous pourrions caler dans notre programme. Je vous passe les étapes de notre réflexion. Mais nous avons fini par retenir Taïwan pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il n’y a pas de problème de visa. Puis, le pays se situe à mi-distance entre le Vietnam et le Japon, ce qui permettait de l’insérer facilement dans notre programme, sans allonger la distance parcourue. La culture étant proche de celle de la Chine continentale (même langue, mêmes influences religieuses, cuisine similaire…), il permettait, à défaut d’aller en Chine continentale, d’entrer en contact avec la culture chinoise. La période de 3 semaines disponibles semblait bien correspondre à la taille du pays. Enfin, des personnes m’avaient parlé de la beauté de l’île.

En arrivant, je connaissais peu de choses de l’histoire de Taïwan. Je savais que le chinois était la langue utilisée. Je savais que le pays avait appartenu à la Chine et qu’après la seconde guerre mondiale, il était devenu indépendant. Je savais les tensions diplomatiques qui existaient entre les 2 pays. J’avais en mémoire l’affaire de la vente des frégates par la France. J’avais noté, la provocation de Trump, favorable à une reconnaissance des « deux Chine », ainsi que la réplique du président chinois, rappelant les revendications territoriales de la Chine sur Taïwan. Mais, en arrivant, j’ai été surpris de découvrir l’influence japonaise sur l’urbanisme de Taipei, sur la cuisine (je crois qu’il y a plus de restaurants japonais que de restaurants chinois), sur les panneaux publicitaires ou dans les magasins dans l’utilisation de l’iconographie manga… En outre, nous avons découvert, au cours de notre visite de Taipei que la principale salle de concert, le Taipei Zhongshan Hall, avait été construit en l’honneur du couronnement d’Hirohito, l’empereur du Japon (1936). Enfin, nous avons vu de nombreux hommes d’affaires japonais dans les restaurants de la ville. J’ai ainsi pris conscience que je savais peu de choses sur l’histoire du pays. Il m’est apparu nécessaire de me documenter un peu. Voici donc en quelques phrases un résumé de l’histoire de Taïwan…


Taipei Zhongshan Hall


Jusqu’au XVIème siècle, les populations austronésiennes de l’île de Taïwan développèrent une société autonome sans contact important avec l’extérieur. Le premier contact avec les populations européennes eut lieu en 1542, lorsque les portugais découvrirent l’île. La légende dit d’ailleurs que l’ancien nom de Formose aurait été donné par les portugais, séduits par la beauté de l’île, l’expression « isla formosa » signifiant « belle île » en portugais ancien. En 1646, le gouverneur espagnol des Philippines envoya une expédition sur l’île qui débarqua à l’emplacement de l’actuelle Keelung (nord-est de l’île) et y fonda la ville de San Salvador. Des missions chrétiennes y furent actives jusqu’en 1632. Mais ce sont les hollandais, colonisateurs de l’île, qui induisirent un changement majeur dans la vie de l’île en favorisant une migration chinoise, qui se poursuivit après que les hollandais furent chassés de l’île par Zheng Chenggong, en 1662. Quelques années auparavant, la dynastie Ming fut elle-même chassée du pouvoir en Chine continentale par les mandchous. Il est intéressant de noter que Zheng Chenggong, fidèle aux Ming considérait alors Taïwan comme une base arrière pour reconquérir la Chine continentale. A ce moment, la population de l’île s’élevait à 200.000 personnes qui se répartissaient comme suit : 100.000 chinois, 50.000 hollandais, 50.000 aborigènes. En 1683, Taïwan tomba à son tour aux mains de la dynastie régnante en Chine continentale. L’île demeura sous le contrôle de la Chine continentale jusqu’en 1895.

Entre 1894 et 1895, la Chine et le Japon furent en guerre, à l’origine pour le contrôle de la Corée. La défaite de la Chine donna lieu à la signature du traité de Shimonoseki par lequel elle céda Taïwan au Japon. L’île vécut ainsi sous domination japonaise jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale.

Les troupes du Parti Nationaliste chinois (Kuomintang), dirigé par Chiang Kai-Shek, arrivèrent à Taïwan en 1945, dès le retrait des japonais, et installèrent un gouvernement qui rencontra l’opposition des taïwanais. Le 28 février 1947, des émeutes éclatèrent et furent réprimées dans le sang, entraînant près de 30.000 morts. Ce fut le début de la terreur blanche. En Chine continentale, les communistes de Mao Zedong défirent l’armée de Chiang Kai-Shek. Ce dernier se réfugia à Taïwan avec environ 2 millions de personnes dans son sillage, fuyant le régime communiste. A partir de ce moment, l’île vécut sous la dictature soutenue par les Etats-Unis. A la mort de Chiang Kai-Shek, son fils Chiang Chin-Kuo, lui succéda et le régime s’assouplit progressivement, jusqu’à l’apparition du multi-partisme (1986), l’organisation d’une première élection présidentielle au suffrage universel direct (1996) et l’avènement d’une première alternance (2000).


Monument de la paix, en commémoration des événements du 28 février 1947


Taïwan, qui se nomme officiellement la République de Chine, n’a jamais proclamé son indépendance car ses dirigeants considèrent qu’ils sont les seuls représentants légitimes de la Chine et revendiquent le rattachement de la Chine continentale. Evidemment, les dirigeants chinois, considèrent a contrario que Taïwan n’est qu’une province de la Chine. Cette histoire explique le face à face tendu qui existe entre les deux pays depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Jusqu’en 1971, le siège de la Chine à l’ONU était occupé par Taïwan. Le refus de Chiang Kai-Shek de reconnaître qu’il était légitime que la Chine continentale disposât d’un siège à l’ONU, conduisit en 1971 au vote de la résolution 2758 qui fit perdre son siège à Taïwan au profit de la République Populaire de Chine.

A partir des années 70, Taïwan connut une croissance économique très rapide, à l’instar de la Corée du Sud, de Hong-Kong et de Singapour (les 4 pays étant alors connus comme les 4 dragons asiatiques). Le pays est ainsi devenu l’un des pays les plus riches d’Asie. Le pays se classait en 2017, selon le FMI, au 21ème rang mondial par son PIB (en parité de pouvoir d’achat), devant des pays comme le Royaume-Uni (28e), la France (29e), le Japon (30e) ou la Corée du Sud (32e).

Malgré les blessures de l’Histoire, Taïwan est parvenu à développer une société prospère, riche d’une culture originale, ouverte sur le Monde, mélange de différentes influences, et a su préserver une indépendance de fait vis-à-vis de la République Populaire de Chine, en dépit du déséquilibre du rapport de forces qui existe (23,5 millions d’habitants contre 1,4 milliard d’habitants). Cela a été possible grâce au soutien des Etats-Unis. Mais combien de temps cela durera-t’il encore? Tout se monnaye et les Etats-Unis sont loin de Taïwan… Il y a fort à craindre que dans un avenir plus ou moins proche, les Etats-Unis finissent par « lâcher » Taïwan, livrant ainsi l’île à son voisin aux visées impérialistes, subissant le sort que connurent, ces dernières décennies, Macao puis Hong-Kong.